La foi éclaire le monde

lampedusaIl va vite, le pape François ! Il n’annonce pas, il fait. Il ne tergiverse pas, il dit. Et ses décisions seront de la même vivacité. Le pape François se met à la suite de Jésus – cet « homme qui marche » selon l’expression de Christian Bobin – et il avance, calme et droit. On l’a vu à Lampedusa le 8 juillet, ayant décidé quelques jours auparavant seulement d’une célébration avec les migrants et en mémoire des 20 000 disparus en Méditerranée depuis vingt ans.

L’Eglise ne les oublie pas, et chaque année, la communauté San Egidio s’attache à célébrer la mémoire de ceux que l’espoir de l’Occident a conduit à la mort. En allant à Lampedusa, en simple pèlerin, pour dénoncer « la mondialisation de l’indifférence », le pape François marquait d’un geste fort les débuts de son pontificat. Mais c’est plus qu’un coup d’éclat: c’est un geste pastoral qui s’enracine dans la foi, cette foi dont il décrivait les méandres dans sa première encyclique publiée quelques jours plus tôt et datée du 29 juin, fête de saint Pierre et saint Paul.

Certes, « La lumière de la foi » doit beaucoup à Benoît XVI, qui avait largement entamé ce travail autour des vertus théologales de la foi, charité, espérance et foi. En reprenant le texte de Benoît XVI, le pape François souligne cette longue continuité des successeurs de Pierre, chargés de « conforter leurs frères dans la foi ». Une continuité renforcée par l’annonce, le jour même de la publication de l’encyclique, vendredi 5 juillet, de la prochaine canonisation de Jean-Paul II et Jean XXIII.

Mais cette continuité s’habille du « style François », direct, franc, clair. Et engagé : ce combat mené par Benoît XVI pour faire entrer la théologie en dialogue avec la culture de ce temps, le pape François le poursuit en (ré)conciliant foi et vérité dans une qupete contemporaine humble et confiante. Une lettre ecclésiale, théologique et aussi pastorale, d’une certaine manière puisque, selon les mots du pape François, « La foi n’éloigne pas du monde et ne reste pas étrangère à l’engagement concret de nos contemporains. » Encyclique et Lampedusa : une même foi conjuguée avec simplicité et dans un même élan.

Christophe Henning

Encyclique : les mots-clés

Avenir

« Puisque le Christ est ressuscité et nous attire au-delà de la mort, la foi est lumière qui vient de l’avenir, qui entrouvre devant nous de grands horizons et nous conduit au-delà de notre « moi » isolé vers l’ampleur de la communion. Nous comprenons alors que la foi n’habite pas dans l’obscurité ; mais qu’elle est une lumière pour nos ténèbres. (…) C’est justement de cette lumière de la foi que je voudrais parler, afin qu’elle grandisse pour éclairer le présent jusqu’à devenir une étoile qui montre les horizons de notre chemin, en un temps où l’homme a particulièrement besoin de lumière. » § 4

Benoît XVI

Ces considérations sur la foi — en continuité avec tout ce que le Magistère de l’Église a énoncé au sujet de cette vertu théologale  — entendent s’ajouter à tout ce que Benoît XVI a écrit dans les encycliques sur la charité et sur l’espérance. Il avait déjà pratiquement achevé une première rédaction d’une Lettre encyclique sur la foi. Je lui en suis profondément reconnaissant et, dans la fraternité du Christ, j’assume son précieux travail, ajoutant au texte quelques contributions ultérieures. Lire la suite

Caduque

gardes suissesAlors que les discussions vont bon train sur la réforme de la Curie en cours ou à venir, la parole libre du pape François rappelle que la nouveauté n’est pas une lubie du moment mais le mouvement même de l’Esprit, de manière a entendre toute l’exigence de l’appel de Jésus qui déborde de loin la rigueur conservatrice de la Loi. Extrait de son homélie de sa messe du matin, commentant la grâce des outres neuves et du vin nouveau :

« Etre chrétien, cela implique de se laisser renouveler par Jésus dans cette vie nouvelle. Je suis un bon chrétien, tous les dimanches, de 11 heures à midi, je vais à la messe, et je fais ci, je fais cela… comme si c’était une collection. La vie chrétienne, ce n’est pas un collage. C’est une totalité harmonique, harmonieuse, faite par l’Esprit Saint ! On ne peut pas être chrétien à temps partiel, ça ne va pas ! Il faut tout, la totalité, à temps plein. Et ce renouveau, le Saint-Esprit le fait. Pour utiliser les paroles de Jésus, être chrétien, c’est devenir un vin nouveau (…). Dans la vie chrétienne, comme dans celle de l’Eglise, il existe des structures anciennes, des structures caduques : il est nécessaire de les renouveler ! Et l’Eglise a toujours été attentive à cela, par le dialogue avec les cultures.  (…) L’Eglise est libre  : le Saint-Esprit la porte vers l’avant. L’Evangile nous enseigne cela : la liberté pour trouver toujours la nouveauté de l’Evangile en nous, dans notre vie, mais aussi dans les structures. »

DL

Brigitte ou François ?

ANALYSE – Dominique

La vie religieuse féminine aux Etats-Unis connaît depuis plusieurs mois de profonds remous . C’est le cardinal Ratzinger, alors responsable de la Congrégation pour la Doctrine de la foi,  qui en est à l’origine d’une certaine manière. C’est lui en effet qui lança une enquête sur l’identité et la vie religieuse au sein du principal réseau de religieuses américaines  (LCWR), soupçonné de développer plus qu’il n’en faut des thématiques féministes et contestataires.

Pourtant,  il suffit d’évoquer deux figures de religieuses américaines pour comprendre que se jouent là des questions plus profondes sur la place de la vie religieuse dans la société.

  • La première d’entre elle s’appelle Mère Elisabeth Hesselblad. Fondatrice de la branche réformée des religieuses suédoises rattachées à la figure de Sainte Brigitte, cette américaine d’orgine suédoise, née au XIXe siècle dans une famille luthérienne, s’est convertie au catholicisme au cours de son séjour aux Etats-Unis. Depuis lors, sa famille religieuse a connu un vrai renouveau vocationnel, comme en témoigne  la béatification de Mère Hesselblad par le pape Jean Paul II en 2000. Une femme d’action aussi, qui a bien compris l’intérêt à travailler le réseau de ses généreux donateurs. Un certain nombre d’entre eux se retrouvent parmi la liste des grands maîtres de l‘Ordre militaire du Très Saint Sauveur de Saint Brigitte. On rencontre là aussi bien le président Reagan, que les présidents Peron ou Batista ou encore le général Franco, parmi bien d’autres…L’actuelle supérieure générale des Brigittines, Sr Tekla Famiglietti (photo), est une italienne qui a bien compris la leçon. Et c’est ainsi sans doute par le biais de José Maria Guardia, le roi mexicain des casinos, devenu commandeur de l’Ordre lui aussi, qu’elle pu rencontrer Fidel Castro à Cuba. Un leader révolutionnaire qui reçut lui aussi sa médaille de commandeur. Une rencontre opportune puisque dès 1998, elle obtient l’autorisation d’ouvrir une maison d’accueil sur l’île marxiste. Trois autres suivront, sans que les autorités ecclésiales locales n’ait eu grand chose à dire.

    Il faut dire que Sr Tekla est une femme d’autorité et d’entregents et certains la surnomme « la femme la plus puissante à Rome », voire la « papesse ». Avec sa tenue stricte, dont le voile est recouvert d’une symbolique croix d’argent, cette religieuse italienne de 75 ans exerce depuis 1979 son gouvernement avec habileté. Les portes de la Curie lui sont ouvertes et on ne s’étonnera sans doute pas de constater qu’elle a fait partie du cercle restreint des proches réunis pour la veillée de prière dans les appartements du pape Jean Paul II la nuit de sa mort. A la tête de ses 800 religieuses, Sr Tekla gère aussi ce qui ressemble bien désormais à un petit empire immobilier qui, d’Inde aux Etats-Unis, en passant par l’Italie et Israël, assure une conséquente source de revenus à la congrégation. Pourtant, en 2002, six religieuses indiennes brigittines fuirent leur communauté pour se réfugier dans un monastère bénédictin à Parme. Un scandale qui révéla des pratiques d’exploitation par le travail de religieuses souvent issues du Sud et qui servent à l’entretien des hôtels de standing gérés par les Brigittines. Cette même année, Sr Tekla participa aussi activement à l’organisation d’une conférence internationale sur le trafic des femmes…

  • La seconde est une soeur franciscaine (photo). Sr. Florence Deacon, est l’actuelle présidente du Réseau LCWR  (Leadership Conference of Women Religious), le principal réseau de religieuses aux Etats-Unis, représetant 80 % d’entre elles. Lire la suite

Des pasteurs qui se laissent prendre en charge

Il y a 4 ans, celui qui n’était encore que le cardinal Bergoglio, s’adressait, par le biais d’un enregistrement au religieux des Fils de la Divine Providence, une congrégation italienne fondée par Don Orione au début du XXe siècle et arrivée assez rapidement en Amérique du Sud, d’abord au Brésil puis en Argentine et dans d’autres pays du continent. A l’occasion de leur chapitre de 2009, le pape s’adresse à ces missionnaires et dessine pour eux les contours de ce que doit être, selon lui, la dynamique d’une action pastorale. Un enregistrement où l’on rencontre déjà la simplicité du personnage. On entend les bruits de la rue de Buenos Aires, cette rue où il envoie les religieux qui s’adressent à lui.

Où l’on voit que le pape François poursuit bien cette même réflexion désormais à l’échelle de l’Eglise universelle.

Voici le texte de son intervention (traduction : Christine – Merci à elle)

Cet enregistrement est simplement dû au fait que je ne peux me déplacer pour répondre à l’invitation de votre Provincial. La proposition d’enregistrer mon message m’a plu, elle me permet de vous être proche pendant votre Chapitre. J’aime beaucoup votre Congrégation, qui fait et a fait beaucoup de bien en Argentine. Je souhaite pour vous que ce Chapitre vous donne une impulsion vers une vie pastorale au service de la vie en plénitude. Je m’inspire pour cela du document d’Aparecida.

Le modèle pastoral de tout disciple de Jésus, et par conséquent de tous ceux qui annoncent Jésus, est celui du Bon Pasteur. Pour le disciple missionnaire le Bon Pasteur est l’unique référence et modèle. Jésus, le Bon Pasteur veut nous communiquer sa vie et se mettre au service de la vie, et de la vie en plénitude. Il en résulte que pour être disciple missionnaire, en référence au Bon Pasteur, nous devons tous –consacrés ou laïcs, prêtres ou évêques- devenir pasteurs, des pasteurs qui se laissent prendre en charge. Il ne s’agit pas de pasteurs autonomes ou qui soient comme des responsables d’ONG, non, des pasteurs qui se laissent prendre en charge, avec la double expérience de conduire et de se laisser conduire.

Voilà ce que je vous souhaite en premier lieu : que l’image de Jésus, Bon Pasteur vous ouvre à cette tonalité d’une vie spirituelle qui consiste à être des meneurs eux-mêmes menés, à laquelle, en dernière instance, c’est le Bon Pasteur lui-même qui appose son empreinte. Le Bon Pasteur est celui qui d’une certaine manière détermine le chemin que nous allons suivre. Il nous guide vers la vie en plénitude. (…)

Tout d’abord j’aimerais vous donner trois éléments-clef au sujet de la charité. Premièrement, il vous faut sortir, avec votre charisme fondateur, vers les périphéries de l’existence, là où l’existence des personnes est mise au rebut. Vous savez bien que vous êtes dans un système mondain et paganisé: il y a ceux qui ont leur place et ceux qui sont de trop ; ceux qui ne conviennent pas au système sont de trop, et ceux qui sont de trop sont mis au rebut. Voilà où se trouvent les frontières existentielles et voilà où il vous faut aller. Lire la suite

Les écolos argentins ont trouvé leur nouveau porte parole

« C’est une très bonne chose qu’un leader mondial prenne à bras le corps la priorité écologique ! Avec la capacité qu’à l’Église catholique pour rejoindre les gens, le fait que l’attention à l’environnement fasse partie des discours du pape est vraiment important : cela impliquera forcément davantage de monde ! »

diego_moreno_grDiego Moreno, directeur de la Fondation Vida Silvestre, la principale organisation de défense de l’environnement sauvage en Argentine fondée en 1977, ne peut que se réjouir des paroles de son concitoyen devenu pape. Le 19 mars, notamment, il avait déclaré : « Soyons les protecteurs de la Création, protecteurs du plan de Dieu inscrit dans la nature, protecteurs les uns des autres et de l’environnement. » Moreno poursuit :

« Les problèmes environnementaux sont la plupart du temps liés à ceux de la pauvreté, comme on peut le voir en Afrique ou en Amérique. Ainsi, ce sont souvent les plus pauvres qui vivent dans les zones les plus vulnérables au changement climatique et à la dégradation des sols. »

Les excès de la consommation, le gaspillage sont d’autres réalités dont l’impact sur les ressources naturelles est important, et sur lesquelles la parole du pape argentin peut aider à faire bouger les habitudes. Le cardinal Bergoglio avait lui-même présidé le comité qui avait permis l’élaboration du document final de la 5è conférence générale du CELAM (évêques latino-américains) à Aparecida, au Brésil, en 2007. Un document très sensible aux urgences écologiques, puisqu’il critique les industries extractives et de l’agrobusiness, du fait de leur manque d’attention aux droits économiques, sociaux et environnementaux des communautés locales. De même, l’introduction des OGM y est contestée (n’allant pas dans le sens d’une lutte adaptée contre la faim et pour le développement rural durable), et la nécessité de la protection du riche patrimoine naturel de l’Amazonie, contre les pilleurs de tout ordre, notamment de l’industrie pharmaceutique, soulignée.

« le pape François va mettre la crise écologique très en avant dans ses priorités pastorales. C’est ce qu’il a montré dans sa messe inaugurale quand il évoquait la protection sous ses trois dimensions, entre nous, envers les autres et envers la Création. Ces ‘autres’, ce sont notamment les plus pauvres qui souffrent le plus des conséquences de dégradations environnementales. (…) Face à ces défis, l’Eglise ne peut « qu’appeler pour une éthique de l’austérité, un changement de mode de vie qui nous débarrasse de la consommation débridée actuelle. » Mais, « l’Amérique latine se sent-elle prête à changer de modèle industriel, en renonçant à l’extraction de ses ressources naturelles ? »

Source : Article IPS, par Marcela Valente

DL

PS : cet article est aussi présenté sur le blog « Eglises et Ecologie »